Auteur : manifestebrca2

Une vision genrée de la mastectomie

« Dis maman, quand je vais faire ma mastectomie, ça va être la même opération que toi? »

Il y a 4 ans, lorsque j’ai commencé à comprendre que j’allais devoir subir une mastectomie complète, j’ai beaucoup pleuré, j’ai mis du temps à accepter et aujourd’hui encore, 4 ans après, j’ai encore du mal à reconnaitre cette poitrine reconstituée, certes jolie, comme la mienne. (Il parait que j’ai de la chance, mes seins ne tombent pas! #LoptimismeMeFatigue)

J’ai beaucoup pensé à l’époque à mes filles, j’ai beaucoup prié pour qu’elles n’aient pas à subir ça, que les études sur ma mutation évoluent et qu’elles ne vivent pas ça quand elles arriveront à l’âge adulte.

Léa, ma grande avait à peine 11 ans lorsqu’elle a posé des mots sur sa transidentité, aujourd’hui à presque 13 ans, « elle » n’est plus.

« Elle » est « Il », et je n’emploierai pas « Elle » est devenu « Il  » parce comprendre la transidentité passe par le fait « qu’on ne devient »  pas fille ou garçon  mais « qu’on est » fille ou garçon. (A ne pas confondre avec le fait qu’on ne nait pas « femme », on le devient.. ni qu’on ne nait pas « homme » mais qu’on le devient #SimoneForever mais ça pourrait faire l’objet d’un autre article)

Mon fils a donc pris courageusement en main son chemin de vérité et comme je l’admire!. Il est suivi au CHU dans un dispositif pour mineur transgenre. Un super dispositif!.Ce dispositif explique, accompagne et nous aide à entrevoir le futur de mon enfant dans ses droits et ses possibilités. Nous avons beaucoup de chance.

Mon fils est épanoui. Il est beau et s’imagine dans ses propres projections masculines.

« Dis maman, quand je vais faire ma mastectomie, ça va être la même opération que toi? »

Mon coeur s’est arrêté. Mon coeur s’est arrêté.

« Je ne sais pas mon chéri, il faut demander au médecin« .

Cette demande faite avec un sourire m’a glacé. Et nous voilà dans le bureau du médecin , et nous parlons mastectomie, mon fils en parle avec un sourire et de l’envie. Le psychiatre me regarde avec un sourire bienveillant. Il me demande si je vais bien. Il a compris.

« Ben oui maman, ça va me rendre heureux moi »

Je n’avais jamais imaginé ça. J’ai tellement souffert de ça que je ne le souhaite à personne alors à mon enfant.

Je souris à penser à ça depuis.

Les attributs et caractères sexuels sont féminins ou masculins et vont avec la vision genrée qu’on peut avoir du corps qui correspond à son genre. Et le genre est une construction sociale certes mais également une construction de son propre esprit.

Mon fils me fait grandir. Il m’a d’abord fait grandir puisqu’il a fait de moi une maman, mais il m’a appris qu’on met au monde un enfant et pas « une fille » ou « un garçon » mais bien un petit être humain. Et il m’illustre que le malheur des uns ou des unes d’ailleurs peut vraiment faire le bonheur des autres.

Je souris à penser à ça depuis.

 

Octobre rose enfin…presque!

Bon ça fait un bail que je n’ai pas écrit et ce n’est pas parce que je n’ai plus rien à dire, au contraire, j’ai certainement trop de choses sur le coeur…

Mais ce matin en voyant cette campagne de sensibilisation, j’étais au bout de ma vie…au bout de ma vie de mutante, au bout de ma vie de femme, au bout de ma vie de prof de com…ça fait beaucoup! Alors j’ai décidé de faire cette lettre…

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Cher Monsieur ou chère Madame (parce que dans ce bas mon de tout est possible) le.la responsable du service de communication de Sanvignes-les-mines,

Permets moi tout d’abord de te tutoyer car lorsque j’ai vu ta campagne de sensibilisation en tant que femme et la liberté que tu as pris à imaginer que je puisse apprécier ce moment et l’assimiler à un moment de plaisir dû au fait qu’on allait me toucher une partie de mon corps…plus précisément MES seins, je prends moi la liberté de te dire tu!

Alors comment te dire..

Je vais d’abord te parler en tant que femme car je pense être la principale cible de ton affiche destinée à me ravir de ce grand moment de dépistage!

Pour ton information, les femmes luttent contre les attouchements et le harcèlement sexuel depuis des lustres; et oui, on aime pas trop en fait que les hommes s’approprient notre corps dans un espace public ou un espace privé d’ailleurs donc si tu imagines que je n’attends que ça…ben tu te trompes…

Ensuite , pour ton information également, les femmes possèdent une liberté de jouir, de faire ce qu’elles veulent de leur corps et de leur sexualité…elles vivent cela, pour certaines, avec un épanouissement le plus total et donc je souhaiterais davantage d’explication sur ton message, « ce n’était pas mon mec mais je me suis laissée faire »…parce que comme je suis une femme , je me demande vraiment ce qui peut avoir derrière ce message… me culpabiliser ? me convaincre pour celles qui penseraient faire acte d’infidélité en allant se faire dépister??? (je vous jure ça n’a rien à voir en termes de sensations!!!)

Et justement je viens te parler en tant que mutante BRCA2, une jeune femme qui depuis son plus jeune âge se fait palper les seins, s’est fait pendant plusieurs années écraser les seins dans cette fichue machine, que j’ai compté les secondes interminables à chaque fois que j’ai du attendre les résultats…alors quand venait le moment du dépistage, je pensais à tout sauf au mec qui allait peloter les seins…

C’est avec la peur au ventre que la plupart des femmes vont à cet examen et croyante ou pas, on prie (oui ça c’est pour tous mes ami.e.s pastafarien.nes), on prie pour que notre vie ne bascule pas.

Enfin, la petite prof de com que je suis, féministe et fière de l’être, ne peut que déplorer le message que tu as fait passer. Tu rates ta cible, tu ne sensibilises pas, alors on peut imaginer ta volonté de jouer sur l’humour mais le combat des femmes pour leurs droits, le combat des femmes contre le cancer, et l’appel des médecins au dépistage vaut mieux que tout ça.

Elles méritent que l’on communique les progrès de la médecine, que l’on explique aux femmes que leurs seins sont précieux (et croyez moi maintenant que j’en ai des faux, je mesure la préciosité des vrais!) , que leurs seins sont des organes vivants et non seulement des attributs sexuels dont elles doivent prendre soin en pensant à leur mec! Elles méritent qu’on leur explique que le dépistage permet de prendre des cancers à temps voire de les guérir…bref elles méritent un peu plus de considération et d’explications.

Cordialement.

Une mutante pas très contente.

 

 

 

 

Mais ça c’était avant…

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Avant …

J’ai souvent pensé que j’étais née sans étoile, j’ai souvent dit que j’étais née un 27 décembre et que celui du 25 avait déjà tout pris. Perdre les gens qu’on aime le plus, voir s’éteindre ma mère à l’âge de 12 ans a bousculé toute ma vie et je porte ce manque encore aujourd’hui.

Et puis j’ai pris connaissance de ma mutation et tout s’est éclairé.

Ma grand-mère, ma mère, sa tante, son frère, ma sœur…moi, tous lié.e.s au cancer par le lien sacré de la mutation génétique du BRCA2. Tout s’explique, tout devient scientifique, ce n’est pas le poids d’une malédiction familiale, ce n’est pas de la malchance, ce n’est pas le résultat de choses horribles que j’aurai faites dans une vie antérieure, c’est génétique. Une erreur, une faute d’orthographe dans mon corps qui percute ma vie, qui ne cesse de la remettre en question.

Une malfaçon, un truc qui vous dit que vous êtes pas bien foutue.

Avant …je pensais que je n’avais pas de chance,

Avant je pensais que mon mariage tiendrait envers et contre tout,

Avant je n’avais pas peur quand je regardais mes filles,

Avant je n’aimais pas mon corps,

Avant tout avait de l’importance,

Aujourd’hui, je sais que j’ai une mutation, j’ai subi une mastectomie préventive et je n’ai plus peur car je sais que j’ai de la chance de le savoir. Je suis surveillée et prise en charge.

Aujourd’hui je suis en train de divorcer …et ça n’a rien à voir avec la malchance. Il y a des épreuves qui unissent et d’autres qui séparent et ce n’est de la faute de personne.

Aujourd’hui, j’ai peur quand je regarde mes filles. Mais j’essaie de penser que la chance sera de mon côté et que je pourrais fêter avec elle la rupture de ce lien sacré avec le cancer. Et dans l’hypothèse où ça ne serait pas le cas, je crois en la médecine, j’espère leur montrer que rien n’est impossible, que rien n’est perdu car je serais là près d’elle avec une poitrine reconstituée, des pleurs, des blessures mais je serais en vie.

Aujourd’hui j’ai appris avec l’épreuve de la mastectomie à dépasser l’image de mon corps, à l’accepter, à l’aimer et ça, après des années de lutte avec le miroir, rien que pour ça, je remercie cette (putain) de mutation génétique.

Aujourd’hui j’aime rire avec mes filles, j’aime m’allonger auprès d’elles, je les regarde vivre, rire, danser, chanter, grandir, je réponds à leurs questions, je les aime plus que tout et j’ai consciences de la chance que j’ai de partager chaque jour avec elle.

Aujourd’hui je me bagarre avec les assurances pour un crédit immobilier…( oui le droit à l’oubli et la convention AERAS existent (ahahaha) mais les assurances la détournent et ne m’assurent pas pour un arrêt de travail de plus de trois mois ! en clair il parie sur le fait que je vais faire. Devinez quoi… un cancer !!…)

C’est vertigineux, c’est douloureux physiquement et moralement, mais je n’ai pas l’impression de subir cette mutation. C’est en moi. Je le sais et c’est un avantage.

Et j’emmerde les assurances au passage !

Et tous ceux qui me doteront à l’avenir d’une double peine.

J’ai perdu ma famille, pleuré mes proches tant de fois, je me suis retrouvée sans rien en foyer à l’âge de 14 ans. J’ai aujourd’hui  41 ans.

En l’espace de 26 ans, je me suis battue pour continuer mes études, payé mon loyer et mes factures dès l’âge de 17 ans,  j’ai deux masters, j’ai écrit une thèse, je me suis mariée, j’ai fait deux splendides petites filles, j’ai divorcé, j’ai rencontré des gens formidables, j’ai travaillé et fait l’ouverture d’un des plus beau musée de France, j’ai démissionné, une fois, deux fois, trois fois de CDI, j’ai changé Six fois de métiers, je suis prof à la fac, j’ai publié des articles, j’ai dirigé une revue, j’ai accompagné 4 des personnes que j’aimais le plus au monde dans des soins de cancer parfois jusqu’à leur dernier souffle, j’ai dirigé trois fois la journée des droits des femmes pour l’université dans laquelle je travaille, j’ai vu la coupole de santa maria del fiore à Florence, j’ai des ami.e.s formidables, j’ai subi 8 opérations dont 6 dédiées à la mastectomie préventive, j’ai perdu 40 kilogs (j’en ai repris 10 depuis mais ça je le dis pas…), je suis récemment tombée éperdument amoureuse, j’ai déménagé 9 fois, je vis.

Je vis et j’emmerde les assurances.

Avant …c’était autrement.

Aujourd’hui, c’est encore mieux.

 

 

 

 

Moi, mes boobs et l’association BRCA France ! (oooouhhh là là , j’ai plein de choses à vous dire)

Aaaah Paris, ses musées, ses rues, ses habitants et ses colloques !

Je me suis rendue hier au premier Symposium de l’association BRCA France « De la prédiction d’un risque à la personnalisation de la prise en charge » tout un programme et quel beau programme ! Autant vous dire tout de suite que ce fut une journée riche tant sur le plan informationnel que sur le plan humain, des belles rencontres !

MAIS de la genèse de cette association, je n’ai encore rien dit…

J’ai ouvert ce blog lorsque j’ai appris ma mutation, parce que oui je suis prof de communication ( et par essence, je communique), mais avant tout parce que j’avais un besoin de partager avec d’autres « mutantes » car sortie de mon entretien qui m’a annoncé ma mutation sur le gêne BRCA2, il faut bien le dire, je me suis sentie terriblement seule avec toutes mes questions !

J’ai cherché longtemps, un endroit, des personnes, des échanges, j’ai consulté des pages de warriors sur Facebook avec chacune leur histoire, je voyais bien toute la légitimité de Laetitia Mendes de porter le projet d’une fondation dédiée aux mutations, je suis allée aux rencontres, aux événements, j’ai porté mon ruban et bien plus longtemps que ne le permets le mois d’octobre,  mais j’avoue, je suis souvent restée dans ce trop plein de « Rose » qui couvrait la réalité de mes questions et de mes angoisses.

J’ai vacillé entre ce trop plein de Marketing fait autour des produits post-cancers dans lesquelles je ne me retrouve pas, j’ai vacillé entre ce discours de warriors qui nous tient, qui nous force à garder le sourire envers et contre tout et l’envie de fuir, de fermer le cahier, de tourner la page parce qu’il faut bien le dire, c’est un héritage bien lourd à porter…

Et un jour, je me suis arrêtée.

Arrêtée sur l’information et sur les posts du profil Facebook BRCA France.

J’avais besoin d’information, j’avais besoin qu’on me rassure, qu’on me communique les dernières trouvailles, qu’on me tienne au courant des actualités de la médecine. J’ai consulté le site et le fait de voir un comité scientifique médical m’a conforté dans tout ce que je pouvais lire… mais pas que…

J’ai rencontré Caroline et Noëlle et nos premiers échanges concurrencent largement les longues heures d’échanges téléphoniques entre copines adolescentes ! ( et un grand merci Mesdames pour ces échanges qui m’ont fait un bien fou!)

J’ai alors découvert le Forum et pris les premiers engagements d’être le relais de Lille !

Une association humaine, faite de rencontres, simples et se rendre compte que chaque mutante porte son histoire, se rendre compte que chaque femme porte ses combats, se rendre compte qu’on à toutes en commun ce lourd héritage mais que chacune réagit à sa manière, avec ses possibilités. J’ai apprécié le discours de Noëlle et de Caroline qui m’ont bien dit que chaque femme avait sa décision à prendre selon les possibilités qu’on lui proposait, surveillance, mastectomie ou même la fermeture du cahier pour ne pas regarder cet héritage et que chaque décision est respectable.

Le principal est d’avoir une écoute, le principal est d’échanger avec le soutien des médecins onco-généticiens pour ne pas diffuser de fausse information.

La journée du Symposium est à l’image de cette rencontre, la matinée était réservée aux médecins mais en tant que relais de l’association, j’ai pu y assister.

Je vous fais donc un bref retour !

Explication du gêne BRCA, des pourcentages, des risques et de l’expression « risques cumulés » …(pour ceux qui s’interrogent c’est le nombre de risques cumulés tout au long de notre vie…c’est pour ça qu’on atteint 85 à 90% dans certains cas)

Chaque demande est légitime ; garder ses seins ou les enlever

Les stratégies de prévention ne sont pas que chirurgicales, il y a aussi de l’hormonothérapie ou la surveillance.

La problématique des femmes mutées c’est qu’elles génèrent des cancers plus violents et qu’elles peuvent les développer entre deux surveillances, ils appellent ça « les cancers de l’intervalle. »

Il ne faut pas confondre chirurgie esthétique et chirurgie reconstructrice…la problématique de l’entourage, les bonnes amies qui te disent … « Oh mais t’inquiète, tu vas avoir des seins d’enfer » ( ça c’est moi qui le dit, c’est du vécu !)

Même si la chirurgie esthétique à fait beaucoup de progrès, ce n’est VRAIMENT PAS la même chose. Vivre une mastectomie, c’est enlever pour reconstruire…si on doit reconstruire, c’est qu’il y a eu destruction…vous reviendrez donc pour les boobs d’enfer (Même si en effet, les résultats peuvent être très jolis, il y a parfois des ratés, des rejets, beaucoup de complications…)

Perso : Mon sein gauche fait de la résistance…depuis le début !! un œdème post-mastectomie, l’expandeur qui perce (la chance !) et la graisse ne prend pas de la même manière qu’à droite…Bon…j’ai les boobs qui se boudent ! (mais des boobs quand même et c’est réparable…patience, patience, patience)

Les médecins ont beaucoup parlé des traitements, des chirurgies controlatérales pour les mutantes ayant déclaré un cancer, ont insisté sur le fait que plus les seins sont denses au départ, plus la reconstruction s’avère complexe.

En cas de Découverte mutation :

Les recommandations

A partir de 20 ans : suivi clinique deux fois par an…Mais palpez vous les boobs !!!

A partir de 30 ans : une surveillance mammo + IRM +echo jusque…65 ans…et ouai et tous les ans svp

Pour le cancer des ovaires, il faut prendre la décision de faire la chirurgie préventive car la surveillance imagerie ne sert à rien ! (Pour les jeunes femmes qui apprennent leur mutation, le risque de cancer des ovaires s’élève à partir de 40 ans et il y a des solutions pour celles qui , pour des raisons personnelles, souhaitent attendre pour materner, en discuter avec les onco-généticiens ou les gynécologues avertis)

L’après midi c’était grand public et les thématiques liées à la prise en charge des réalités de la patiente ont été abordées :Le post cancer…pas assez pris en charge qu’il s’agisse de la dimension psychologique qu’au niveau des droits des patient.E.s  (le droit à l’oubli à encore du progrès à faire, un femme ou un homme qui apprend sa mutation à 20 ans, soit on opte pour le silence, dans le cas contraire des gros risques de ne pas obtenir de prêt bancaire ! Bingo, le gros lot!!)

La première intervention questionnait la manière dont on pouvait réduire le traumatisme de la chirurgie préventive ? Parce que oui c’est un traumatisme, ne serait ce que par la perte de sensibilité dont on ne parle pas assez à mon avis alors que c’est loin d’être négligeable dans la vie post-mastectomie!

Ensuite la responsabilité du patient muté face à sa famille (on doit informer notre famille même si on la déteste !!) à été abordée enfin les questions de désir d’enfant et de diagnostic préimplantatoire (on teste le fœtus, est-il muté ou non ) ont été discutés.

Mon sujet préféré! il me semble assez logique pour enrayer le phénomène des cancers génétiques que le droit de trier ses ovocytes (mutés ou non mutés) doit être automatique. Or, en France, ce n’est pas le cas pour des questions bioéthiques (c’est possible en Belgique par exemple) …ça commence à être discuté en France.

J’ai appris plein de choses et le fait d’échanger avec d’autre patientes sur ces questions a été une vraie opportunité.Je suis sortie pleine d’espoir pour mes poulettes que je regarde grandir avec la peur d’un test positif à l’âge adulte.

Je tiens à souligner la qualité de l’organisation, la qualité de l’accueil et la simplicité des organisateurs et surtout la disponibilité des médecins qui étaient là pour échanger également.

Bref, vous comprendrez que je suis ravie d’avoir rejoins cette association et que j’espère qu’il y aura plein d’autres rencontres, plein d’autres moments riches et que les patientes BRCA feront union et force pour faire avancer leurs droits.

Boobsement vôtre ! 🙂

#LePouvoirDesMutantes

 

 

 

 

 

 

M comme…

 

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« Ta mère est partie, elle est morte. »

C’est comme ça qu’on me l’a annoncé. Je me souviens encore, il faisait très beau ce jour là, ce jour d’été ou je devais aller voir ma mère à l’hôpital une dernière fois pour lui dire au revoir. Elle ne m’a pas attendu…elle est partie, elle a fermé les yeux à jamais et elle a emmené tant de choses avec elle ce jour là et en a laissé des tas d’autres aussi…

Parmi ces choses laissées, il y a moi. J’ai douze ans, j’ai grandi avec le cancer, le cancer de ma mère. Je savais qu’elle allait partir, elle me l’avait dit depuis longtemps déjà. Elle me préparait comme elle pouvait à vivre et à surmonter l’insurmontable.

J’ai eu une mère formidable, un rayon de soleil, une femme courageuse, un sourire en permanence.

Lorsque je ferme les yeux aujourd’hui malgré les six années de lutte contre le cancer de ma mère, malgré les chimiothérapies, les souffrances, les nuits blanches, les frayeurs, les cicatrices, les faux espoirs, les bonnes nouvelles, les mauvaises aussi, c’est de son sourire dont je me souviens, j’ai oublié tout le reste. Elle m’a laissé son sourire.

Lorsque je rentrais de l’école, elle souriait. Lorsque je me levais le matin, elle souriait, lorsque j’ouvrais la porte de la chambre de l’hôpital , elle souriait.

Ma mère m’a laissé son sourire. Son sourire et son gêne.

Ces derniers temps, j’ai eu des tas de compliments, des tas de petits mots de soutien, des tas de commentaires sur ma vie, ce que j’ai traversé, ce que je traverse encore aujourd’hui.

Je ne dis pas automatiquement tout ce que j’ai traversé quand je fais la connaissance des gens et je souris toujours quand je finis par leur raconter le parcours semé d’embûches, de deuils et de batailles.

Lorsque que j’ai appris il y a deux ans, que j’étais porteuse d’une mutation génétique sur BRCA2, j’étais presque soulagée. Je n’avais jamais compris pourquoi la vie m’avait infligé de perdre autant. J’avais une raison, une raison scientifique à tous les deuils de ma vie. J’ai beaucoup pensé à ma mère à cette période. J’ai toujours entendu ma mère me dire qu’elle savait, qu’elle se doutait, que c’était en elle, un truc du destin. Son père était mort d’un cancer, sa tante aussi. Sa mort fut la première et la plus grande déchirure de ma vie.

On me demande souvent comment j’ai fait, comment je fais pour avancer.

Je n’y serai pas arrivé sans elle. Son sourire ne m’a jamais quitté. Son amour non plus.

J’ai eu énormément de chance, énormément. Ma mère m’a servi un amour concentré, sachant qu’elle partirait, elle m’a pourri d’amour, d’un amour fort, d’un amour pur, d’un amour indélébile. Un de ceux qui ne s’en va pas, un de ceux qui reste là, un de ceux qui chuchote quand j’ai l’impression que je ne vais pas y arriver, un de ceux qui crie quand j’ai l’impression que je vais tomber, un de ceux qui me relève quand je pense que c’est trop dur.

Non, je n’y serai pas arrivé sans elle.

Je ne pouvais continuer dignement ce manifeste sans lui dédommager cette journée, cette journée des mamans. Lui dire MERCI pour tout ce qu’elle m’a donné. 28 ans après sa mort, elle arrive toujours à me manquer, elle arrive toujours à me relever, elle arrive toujours à me guider.

J’ai eu la plus formidable des mamans.

Bonne fête maman.

« Ma mère est dans les cieux, les pauvres l’ont bénie ;
Ma mère était partout la grâce et l’harmonie.
Jusque sur ses pieds blancs, sa chevelure d’or
Ruisselait comme l’eau,
Dieu ! J’en tressaille encore !
Et quand on disait d’elle : « Allons voir la
Madone », Un orgueil m’enlevait, que le ciel me pardonne !
Ce tendre orgueil d’enfant, ciel ! pardonnez-le nous :
L’enfant était si bien dans ses chastes genoux !
C’est là que j’ai puisé la foi passionnée
Dont sa famille errante est toute sillonnée.
Mais jamais ma jeune âme en regardant ses yeux,
Ses doux yeux même en pleurs, n’a pu croire qu’aux cieux.
Et quand je rêve d’elle avec sa voix sonore,
C’est au-dessus de nous que je l’entends encore.
Oui, vainement ma mère avait peur de l’enfer,
Ses doux yeux, ses yeux bleus n’étaient qu’un ciel ouvert.
Oui, Rubens eût choisi sa beauté savoureuse
Pour montrer aux mortels la Vierge bienheureuse.
Sa belle ombre qui passe à travers tous mes jours,
Lorsque je vais tomber me relève toujours.
Toujours entre le monde et ma tristesse amère,
Pour m’aider à monter je vois monter ma mère !
Ah ! l’on ne revient pas de quelque horrible lieu.
Et si tendre, et si mère, et si semblable à Dieu !
On ne vient que d’en haut si prompte et si charmante
Apaiser son enfant dont l’âme se lamente.
Et je voudrais lui rendre aussi l’enfant vermeil
La suivant au jardin sous l’ombre et le soleil ;
Ou, couchée à ses pieds, sage petite fille,
La regardant filer pour l’heureuse famille.
Je voudrais, tout un jour oubliant nos malheurs,
La contempler vivante au milieu de ses fleurs !
Je voudrais, dans sa main qui travaille et qui donne,
Pour ce pauvre qui passe aller puiser l’aumône.
Non, Seigneur !
Sa beauté, si touchante ici-bas,
De votre paradis vous ne l’exilez pas !
Ce soutien des petits, cette grâce fervente
Pour guider ses enfants si forte, si savante,
Vous l’avez rappelée où vos meilleurs enfants
Respirent à jamais de nos jours étouffants.
Mais moi, je la voulais pour une longue vie
Avec nous et par nous honorée et suivie,
Comme un astre éternel qui luit sans s’égarer.
Que des astres naissants suivent pour s’éclairer.
Je voulais jour par jour, adorante et naïve,
la contempler.
Seigneur ! dans cette clarté vive-Elle a passé !
Depuis, mon sort tremble toujours
Et je n’ai plus de mère où s’attachent mes jours. »

Marceline Desbordes -Valmore

 

 

 

 

La fonte des neiges!

Abracadabra mes seins sont là….

Abracadabra mes seins ne sont plus…

ça y est  …les beaux jours sont arrivés et l’heure de la mise en texte des pensées devenues trop lourdes se fait sentir!

Je dois avouer que j’ai eu beaucoup de mal à écrire ces derniers temps, (peut-être est ce bon signe?) l’acceptation faisant son chemin , j’éprouve de moins en moins le besoin d’exprimer ce que je traverse…mais je dois également avouer que les troubles causés par  les étapes de la reconstruction sont difficilement nommables.

Quelques mois se sont écoulés…et le chantier n’est toujours pas terminé, loin de là, même si une bonne partie du chemin est parcouru et que, sous un chemisier, je peux crier « abracadabra mes seins sont là! » …

Je suis passée de « Je gonfle mes expandeurs tous les 15 jours » à « j’engraisse mes seins  tous les trois mois »

Enfin je devrais plutôt dire « j’engraisse les volumes créés de force par des expandeurs sous mon muscle pectoral, censés être des seins pour qu’ils ressemblent à des  vrais seins » mais j’ai décidé de vous expliquer avant de vous dire que… c’est compliqué!

Alors mes expandeurs étant arrivés au volume souhaité ( et non, je n’en ai pas profité pour devenir une bimbo gonflable, je le précise car souvent on me demande …et « tu te fais plaisir?, tu vas t’en faire des plus gros?…non je suis désolée, je comprends toujours pas, on m’a enlevé mes seins, je peux vous dire que la notion de plaisir…vous oubliez…et ça.. dans tous les sens du terme), j’ai pu commencer la première séance de lipomodelage.

Définition du lipomodelage: on vous prend vos graisses localisées ( genre celles qui résistent après le régime de fou que vous avez fait et qui font que vous ressemblez toujours à une bouteille d’orangina et désespérément pas à une sirène) et on vous les réinjecte dans les « volumes-seins en devenir »….génial! vous me direz…

C’est vrai que sur le papier c’est bien! Non seulement ça vous permet de corriger vos défauts corporels mais c’est avant tout une technique durable qui, contrairement aux prothèses vous permet de ne pas revenir au bloc opératoire une fois le processus de reconstruction terminé.

Le petit hic…c’est la patience.

« Rome ne s’est pas construit en un jour »… ben mes seins non plus!

Le lipomodelage est assez troublant. Je viens de subir la deuxième séance. La première fois que je me suis réveillée du lipomodelage, j’ai foncé devant le miroir pour voir…

Le jour de ma mastectomie, j’ai pleuré de douleur, lors de mon réveil du lipomodelage, j’ai été envahi par l’émotion, j’ai pleuré de bonheur, j’avais des seins!

et oui …je dis j’avais..parce que la problématique du lipomodelage, c’est que ça fond!

De jour en jour, la fonte des neiges, je me regarde devant le miroir et ça diminue, ça diminue, ça diminue…par contre les ecchymoses sur les cuisses s’étendent, s’étendent , s’étendent…comme m’a dit  une âme bienveillante, tu dois être la seule femme qui se regarde dans la glace en se disant…oh merde…c’était mieux hier! 🙂

Le but du jeu est de stabiliser ces injections de graisse à force de lipomodelage!

bref, une réelle partie de plaisir ; ça fait mal (ça va encore avec les anti-douleurs, faut imaginer les courbatures de la grosse grosse grosse séance de sport pendant une quinzaine de jours) , c’est impressionnant parce que les zones prélevées se transforment en « univers » (expression trouvée par mes filles pour qualifier les zones ecchymosées « maman on dirait les images d’univers »…et mes seins sont rebaptisés « les totottes SIMPSON » pour leur couleur jaunâtre post-op! c’est pas beau ça!), au point ou vous vous demandez si vous n’avez pas servi de défouloir à une bande de chirurgiens en furie pendant l’anesthésie…ça met un mois à partir, les œdèmes..c’est un peu plus long…et pendant ce temps là ben vos seins…fondent…)

C’est troublant parce que votre image corporelle change beaucoup et que vous devez vous efforcer à vous dire…c’est temporaire, l’image là, celle que vous voyez dans le miroir,va encore changer, bouger.

C’est un mal pour un bien car même si c’est très troublant, et fatiguant (ça me pompe une sacrée énergie quand même, je suis très fatiguée), la prise de conscience du corps est très importante.

J’en suis donc à la deuxième séance, j’ai toujours mes expandeurs, cette deuxième séance à permis de totalement les dégonfler. Je les enlèverai à la prochaine séance dans trois mois. Il faut comprendre que ces volumes ne sont pas encore des seins car le pli mammaire sera tracé à la dernière séance, on vous cout les sillons et on redessine la forme du sein (oui, des moments sympas en prévision..)

Tout ça pour vous dire que je trouve la route sacrément longue (bientôt un an) pour une reconstruction immédiate (pas la même définition du terme « immédiat » dans mon dictionnaire que celles des oncologues…) mais dans tous les cas…je vais bien. Alors que les oncologues me parlent déjà de mon ovariectomie, je vais bien.

Je reconstruis mes seins, je reconstruis ma vie, je reconstruis mon avenir génétiquement tracé.

Je ne survis pas, je vis!

 

Amazone, Chère Amazone, je tenais à te dire Merci!

Crédit photo : David Jay pour The Scar Project

Il y a des rencontres qui vous marquent, qui ne vous laissent pas insensibles, qui vous transforment et vous font grandir…

Il y a des rencontres empreintes d’humanisme qui vous remplissent d’espoir et vous montrent que tout est encore possible…

D’abord celles des sœurs de la perpétuelle indulgence, qui, dans toute leur humanité, leur beauté, leur bonté et leur extravagance accompagnent les personnes atteintes du VIH. Ce sont elles, celles du couvent du nord qui ont organisé la rencontre avec les amazones, parce qu’elles ont élargi, leur questionnement sur le cancer du sein notamment via une exposition photographique dédiée au sein que j’ai pu voir au centre LGBTQF de Lille qui s’intitule « J’en ai un, j’en ai deux, j’en aurai, je n’en veux plus« .

Ensuite, Il y a toi, Angie, que je n’ai pas osé abordé, parce que ton témoignage trop bouleversant résonnait trop pour que je vienne te dire à quel point tu m’avais touché.

Et puis, il y a vous…les amazones.

Quand j’ai commencé à réfléchir à mon ablation, ce sont vers vos photos que je me suis penchée pour essayer d’imaginer à quoi mon corps aller ressembler. J’ai eu la chance, hier soir, de vous rencontrer, vous, guerrières debout dont le pull over laisse apparaitre la présence d’un seul sein.

Je tenais à vous remercier par cet écrit de votre témoignage, de votre travail , de votre présence, de votre énergie, de votre tolérance.

La soirée à débuté avec la projection d’un court reportage réalisé aux abords de Beaubourg à Paris, résultant d’un micro trottoir qui a pour objectif de retranscrire la réponse à une question simple : devant une photo d’amazone telle que celle située au début de cet article, que ressentez vous?

Quelques minutes pour entendre le meilleur, la bienveillance, la compréhension, le respect mais aussi le jugement, la monstruosité (terme employé par une personne interrogée), l’injonction faite aux femmes de la nécessité de se reconstruire après leur lutte déjà si épuisante contre le cancer.

Le débat qui a suivi cette projection posait la simple question ; est-on encore une femme aux yeux de notre société lorsqu’on voit un ou même nos deux seins disparaitre?

Le témoignage et la réalité de ce micro trottoir démontraient toute la violence reçue par ces femmes qui ont choisi de ne pas se « re »construire une poitrine après leur ablation.(je mets le « re » entre guillemets parce que, comme l’a signifié très justement une des amazones, rien que le terme reconstruction, sous entend que l’ablation d’un sein vous détruit) Violence d’ailleurs très fortement ressentie dans le milieu médical où on vous parle tout de suite de reconstruction immédiate sans vous laisser la possibilité d’imaginer que sans seins vous pourriez tout simplement être heureuse, épanouie voire vous sentir belle!

La projection à été suivie d’une lecture d’un texte qui m’a complétement bouleversé tant il décrivait les étapes, toutes les étapes, le ressenti, les phases en post opératoire d’une ablation. Toutes ces questions que je me suis posée, toutes ces questions , ces sentiments, ce bouleversement qui m’ont envahi, tout ce qu’on a pu me renvoyer. Ce texte est extrait d’un livre écrit par Annick Parent, une des deux amazones présentes.

J’avoue que cette rencontre m’a profondément marquée, d’une part, par l’interrogation qu’elle suscite sur le parcours médical et le discours qu’on me tient depuis le départ de mon choix opératoire. Puis, je dois bien l’avouer, qu’il résonne de manière forte, pour moi, qui tient des positions féministes et qui lutte contre toutes ces injonctions que la société nous impose sous le prétexte de remplir les critères esthétiques du genre féminin. En bref, sois belle, mince, ait deux seins, un vagin et de préférence…ne réfléchis pas. (J’exagère mais presque pas …)

Injonction faite à ces femmes au point de ne pas respecter le combat qu’elle ont déjà mené , au point de ne pas faire preuve de toute l’humilité qui s’impose devant la maladie qu’aucune d’entre elles n’a choisie, au point de réduire une femme à sa corporéité.

Alors Merci à vous, les sœurs de la perpétuelle indulgence pour vos sourires et votre humanité.

Merci à toi Angie, d’être si bouleversante de sincérité.

Et Merci à vous, les amazones d’avoir changé mon regard sur ce buste sans seins marqué par le combat qui ne signifiait rien d’autre pour moi que souffrance de la maladie jusqu’au deuil. Merci à vous de m’avoir montré aussi qu’il pouvait être le témoin d’un combat, d’une acceptation, d’un choix, d’un réel positionnement, de la vie tout simplement de la vie.

Merci à toi, Annick, d’avoir écrit ce magnifique texte et de m’avoir regardé avec toute la tolérance en me disant que le bout du chemin n’était pas loin.

Je vous regardais déjà comme des guerrières, je ne peux qu’admirer votre beauté.

 

 

Poitrine « en chantier » ; le long chemin de la reconstruction

Trois mois…trois mois se sont écoulés depuis ma double mastectomie prophylactique (joli mot pour dire préventive).

L’heure du bilan trimestriel à sonné ; Ma poitrine est un vrai chantier !

La platitude qui avait dévasté mon joli buste à laissé la place à deux « seins » que je me permets de mettre entre guillemets (après tout ceux sont les miens! ) tant ils ont décidé de ne pas se ressembler et de suivre chacun leur chemin!

je devrais dire deux volumes car ce ne sont pas encore des seins même si tous les critères visuels esthétiques répondent présents à l’appel.

Après la douleur de la mastectomie apaisée ( si si…je m’en suis remise mais Dieu que j’ai morflé!), le long chemin de la reconstruction a pu démarrer.

J’ai choisi avec l’aide des médecins de reconstruire ma poitrine avec du lippomodelage ; pour faire court, on m’aspire mes graisses dont je ne veux plus pour me les réinjecter… dans mes seins  🙂 (Ben oui…quitte à misérer toute sa vie à cause d’une mutation génétique, autant en tirer les bénéfices quand on peut!). Mais pour ce faire, encore faut-il avoir des seins…et c’est bien là tout le problème…je n’en ai plus!

La première phase de la reconstruction consiste donc à recréer deux volumes. Je suis donc allée depuis début septembre me faire gonfler mes expandeurs posés lors de ma mastectomie. Le but étant de créer un volume de base et d’accueil à la chirurgie esthétique basée sur les transferts de graisse.

Les séances ont lieu tous les 15 jours et consistent à injecter via une seringue du sérum physiologique dans mes expandeurs et ainsi voir un volume apparaitre…c’est de la sculpture au sérum phy! Ces expandeurs se trouvent derrière mon muscle pectoral et de cette manière modèlent mon muscle d’un volume rond qui petit à petit ressemble à un sein.

Lorsque je suis arrivée le jour de la première séance, j’étais apaisée. Les douleurs de l’abblation avaient disparu, j’assumais ma platitude et j’étais plutôt soulagée d’avoir franchi cette étape qui me stressait tant…mais c’était sans avoir conscience des effets collatéraux des séances de gonflage.

Je m’excuse d’avance de la forme en liste, de mes termes non arrondis, pas assez policés et certainement trop directs pour une prof de com censée savoir manier l’art du discours mais l’heure est au témoignage et je mets d’ors et déjà tout ce qui pourrait choquer sur le compte d’un stress traumatique post opératoire! 😉 trève de plaisanterie…j’en ai marre de ne pas en parler pour ne pas gêner, c’est la réalité de beaucoup de femmes ayant subi une mastectomie, l’ablation est certes une étape douloureuse mais la reconstruction porte bien son nom…elle est compliquée!

  1. Le premier effet … je m’amuse à l’appeler le « zéro rien », l’effet kiss cool par excellence post mastectomie, on vous enfonce une aiguille de 10 cm dans le sein, les yeux grands ouverts en vous disant :  « vous pouvez fermer les yeux mais ne vous inquiétez pas, vous n’allez rien sentir » …ah ben oui en effet, « zéro rien », je ne ressens…plus rien! et non, ce n’est pas parce que j’avais bénéficié d’une anesthésie ou consommé certains produits euphorisants mais bien parce que je n’ai plus de glande mammaire. Plus de nerfs…plus de vie dans mes seins.
  2. L’impression d’être une poupée gonflable…quand les yeux fixés sur la platitude de mon buste je vois d’un seul coup sortir l’esquisse d’un volume en 3 minutes clés en main! (c’est impressionnant, ça gonfle tout de suite, deux ballons…deux petits ballons complétement immobiles et rigides)
  3. La douleur qui arrive quelques minutes après …ben oui…ce pauvre muscle pectoral qui n’a rien demandé, on lui impose de se décoller et de se modeler sous la pression de l’expandeur. La douleur omni présente s’installe et nous rappelle au même titre que le cheminement corporel ne fait que commencer.

Ce dernier effet est le plus lourd en ce qui me concerne , car si je peux trouver des raisons concrètes de rire de tout ça, la douleur omni présente a souvent raison de mon énergie et me rappelle à l’ordre, moi, qui a tendance, à toujours vouloir repousser mes limites.

Je suis donc fatiguée, souvent épuisée par cette douleur, je ne peux dormir que sur le dos et je suis incapable de me positionner sur le côté, esthétiquement, ça commence à sérieusement pointer le bout de son nez 😉 youpi…j’ai des seins!

Mais comme rien n’est simple , mes expandeurs ne se sont pas positionnés de la même manière et vivent leur vie malgré moi et  malgré l’œil avisé du chirurgien qui ne cesse de me dire « Ne cherchez pas à obtenir un résultat esthétique pour l’instant, le but de cette première étape est de créer un volume et une expansion tissulaire » … Patience est donc devenu mon maitre-mot car j’ai compris au bout de trois mois que ma poitrine allait être en chantier encore un bout de temps. J’opterais donc pour la collection hiver 2015 pour le magnifique col roulé large ou les blouses amples bohèmes avant de pouvoir orner fièrement mes boobs dans des décolletés et autre vêtements près du corps avec beaucoup d’espoir si tout va bien…l’été prochain!

et puis je pense souvent à Gustave et me dis que la Tour Eiffel ne s’est pas construite en un jour! 😉

#PowerMutantes ❤

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Tour de poitrine, 12 ans et demi!

Je me réveille, je ne comprends pas trop ce qui se passe mais tout de suite la douleur arrive, le temps de reprendre mes esprits et la morphine fait effet, la première nuit passe. ça y est! c’est fait, j’ai subi ma double mastectomie.

Cette première nuit est difficile, chaque respiration est difficile, je sens une pression, comme un étau quelque chose de lourd sur ma poitrine, j’arrive à fermer les yeux et à m’apaiser, l’anesthésie fait encore effet. Mon sommeil est rythmé par le sourire de l’infirmière qui vient vérifier mes constantes toutes les deux heures…merveilleuse infirmière qui me rassure…

4h du matin…le fameux test du pipi…(ah j’ai dit… je vous parlerais de tout…j’ai trouvé ça drôle dans ce moment si difficile).

Il faut remettre en route mon corps, l’infirmière m’explique que pour que ça marche, je dois me convaincre :

« je dois faire pipi, je dois faire pipi, je dois faire pipi »

…alors en bonne patiente et devant le sourire de cette si gentille infirmière qui à l’air dix fois plus convaincue que moi…je répète, je me concentre, je répète, je me reconcentre, je répète à nouveau…

« Je dois faire pipi, je dois faire pipi, je dois faire pipi »

…bon ben ce qui est sûr c’est que l’auto-persuasion sur ma vessie, ça marche pas!

L’infirmière abdique et me dit…l’anesthésie doit encore faire effet! oui…ben oui!!!

J+1, 8 heures du matin, je peux déjeuner, youpi! je suis toujours shootée sous morphine mais j’avoue que ce jour là, j’ai eu une une montée d’adrénaline, une sorte d’euphorie dominant complétement la douleur, je l’ai fait, putain, je l’ai fait! je lui ai massacré la tronche à ce BRCA2!!! tu pourras toujours chercher …ahah…plus de glande mammaire, c’est fini, plus de mammographie, plus d’IRM, plus de scanner, plus d’angoisse, de peur, de mauvaise projection…je l’ai fait, j’ai renversé la vapeur, je pense à ma mère, à ma grand-mère, à mon oncle, à ma soeur…

Ma soeur qui s’effondrera en larmes ce jour là en rentrant dans la chambre d’hôpital…ma soeur…je te dois bien ça! Il ne m’aura pas ce fichu cancer, il ne nous aura pas!!!

J+2 ; j’ai toujours mal, cette pression…j’ai entrevu, je n’ai pas regardé, je n’ose pas regarder mais c’est plat, ça m’a l’air très plat…je ne comprends pas. On m’explique que j’ai des « expandeurs » (des sortes de prothèses mais gonflables, non gonflées pour l’instant) et non des prothèses, que le terme « reconstruction immédiate » veut dire garder l’étui, la peau, le mamelon, l’aréole, nickel…c’est mon cas.

L’opération est donc médicalement un succès mais dans ma tête, c’est plat, trop plat. Ce jour là, on m’enlève les pansements.

Pansements ôtés, je suis seule dans la chambre, je n’ai toujours pas regardé. Ma curiosité est plus forte, je me lève , je me dresse devant le miroir et j’ouvre ma chemise.

C’est sans doute, le moment le plus difficile, le plus violent. Je ne sais pas si je dois vous parler de l’impression faite. J’ai tremblé, de tout mon corps, je me suis effondrée en pleurs. j’ai dû m’asseoir. j’ai crié de douleur.

Je ne sais pas si je dois vous parler de ce torse déformé, malmené car à J+15, je n’ai pas du tout la même vision à part que c’est toujours plat!!

On projette un tas de choses quand on doit subir ce type d’opération, j’avais vu quelques photos d’amazones, de ces femmes guerrières si fortes…on projette un tas de chose mais jamais ce qu’on voit ce jour là en vrai.

Je réalise ce jour là, ce qui s’est passé corporellement , je ne parle pas de la victoire sur cette maudite mutation mais des traces sur mon corps. Je réalise ce jour là qu’on m’a enlevé mes seins, qu’ils ne sont plus, qu’ils ne seront jamais plus, tout au moins ceux que j’avais, ceux avec lesquels je suis devenue femme, ceux avec lesquels je suis devenue mère, ils ne sont plus.

J’ai beaucoup pleuré ce jour là, j’ai fait mon deuil, j’ai eu au peur aussi de la réaction de mon mari devant ce corps déformé, mutilé. J’ai eu très peur.

J+4 Je rentre à la maison! je suis très affaiblie mais je rentre car tout va bien sur le plan chirurgical. Je n’arrive pas à me regarder, je n’arrive pas à toucher. Mon mari m’aide et prend le relais des soins. La vue est difficile. Les premiers jours , j’ai caché les miroirs, c’était trop dur. J’avais beaucoup de douleurs et cette pression qui semble m’étouffer parfois.

Quelques jours ont passé et ma fille, mon ainée de 8 ans m’a dit cette petite phrase magique :

« Maman, tu sais, je m’en fiche, que t’as plus de totottes, c’est pas grave, t’es toujours aussi formidable, le reste c’est pas important »

Cette petite phrase, cette pépite m’a fait passé de l’autre côté. Petit à petit, je me suis regardée, j’ai accepté. Je suis pareille, rien n’a changé, je suis la même.

Par contre je suis toujours plate 😉 tour de poitrine : 12 ans et demi…on m’a toujours dit que la chirurgie esthétique rajeunissait mais là je dois avouer…ils n’ont pas lésiné!

j’ai eu comme réflexe d’aller me chercher des prothèses, des soutiens gorge rembourrés… ne supportant pas cette « platitude » et puis…là aussi, j’ai accepté, c’est mon histoire, mon combat, je suis plutôt fière de ça, fière de ce corps qui guérit vite!

J+15 je vais bien, je suis fatiguée. Fatiguée par les antidouleurs, douleurs qui se sont amoindries , Dieu Merci! je fais à peu près tout, tous les gestes mais je ressens à quel point nous utilisons pour tout ce fameux muscle pectoral! j’ai beaucoup de mal à conduire, la gestuelle nécessaire est trop douloureuse…et je suis toujours plate! (ça repousse pas!! 😉 )

Je me regarde dans le miroir chaque jour et j’imagine ma reconstruction, mes futurs seins, ma nouvelle vie.

C’est douloureux, c’est vrai, mais les douleurs finissent par passer.

Je suis heureuse de l’avoir fait, je me sens soulagée!

Maman…j’ai réussi, je l’ai fait, j’ai gagné! ❤

Taisez ce gêne que je ne saurais voir!

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« Ce n’est pas une bonne nouvelle »

C’est à peu près tout ce que j’ai retenu de mon entretien de résultat de dépistage génétique. Le reste est une liste de pourcentage de risques, de conseils en prévention, de choix à faire, les informations sont lourdes et indigestes.

L’entretien est lourd et solennel. Je suis ressortie de ce bureau, j’ai traversé ce long couloir avec un sentiment de culpabilité mais également avec le sentiment amer que ma vie ne serait plus pareille.

J’avais déjà vécu beaucoup de choses difficiles mais moi, qui m’était relevée en me disant que le cancer faisait partie intégrante de mon enfance, je devais dorénavant le conjuguer au présent voire au futur.

Le cancer fait partie de moi même, il est ancré dans un de mes gênes.

Paradoxalement, je n’ai pas souffert au moment de l’annonce. J’avoue que j’étais dans une ambiguïté profonde depuis l’annonce des résultats de ma sœur qui me condamnait à porter une culpabilité envers elle en cas de résultat négatif.

La réalité est tout autre aujourd’hui et si les résultats m’ont plongé dans une équivalence de pourcentage de risques, ils m’ont aussi plongé dans une vie de « mutante » aux yeux de l’institution médicale mais également aux yeux de toutes les autres institutions. On vous conseille d’ailleurs de ne pas le divulguer lorsqu’on vous communique des résultats positifs. Bon ben , pour ma part, c’est un peu raté, j’ai décidé d’y consacrer un blog!

Le culte du secret s’installe alors.

Vous sortez du centre de cancérologie, vous reprenez votre vie comme si de rien n’était à part que vous recevez une lettre de ce même centre à peu près toutes les semaines, que vous y êtes au moins une fois par mois pour le suivi et la prise en charge et qu’on vous transforme malgré vous, en « malade du cancer potentiel »

Dans les sciences de l’information et de la communication, ma section universitaire, le secret est un objet de recherche. On l’étudie, on le décortique, on observe ses répercussions et la manière dont il peut peser voire transparaitre dans certaines situations, Bref, le secret, c’est un sujet que je connais bien.

Je connais également les droits liés au secret notamment le devoir de confidentialité imposé sous le socle du fameux « secret médical »

J’ai reçu, il y a une semaine, par courrier, les résultats de mon IRM et de ma mammographie pré-opératoire. Habituée à recevoir, maintenant, des lettres du centre de cancérologie où je suis suivie, j’ai donc ouvert ces résultats sans appréhension aucune.

 

« Mme, veuillez recevoir vos résultats… »

Je passe  très vite au premier feuillet et balaye les résultats de manière quasi photographique

Deux phrases sautent à mes yeux ;

Patiente classée BRCA2

Jusque là tout va bien et un peu plus bas…

Tumeur 20mm sein gauche

Mes yeux se sont figés. Mon cœur aussi…le sol s’est dérobé sous mes pieds et une douleur est venue s’installer dans mes entrailles.

et je ne sais pas pourquoi, le premier réflexe que j’ai eu à été de me dire que ce n’était pas possible, que ce n’était pas moi..
Et quelle fut ma surprise, quand mes yeux ont décidé de quitter cette sentence, de voir en effet que ce n’était pas moi, mais les résultats d’une autre patiente.

Ils ont inversé. J’ai reçu les résultats d’une autre patiente.

Le culte du secret est brisé.

J’ai reçu depuis toutes sortes de mails et lettres d’excuses mais je ne cesse de me demander si cette patiente à reçu mes résultats (bénins, sans lésion suspecte) au lieu des siens car dans ce cas, le culte du secret doit être bien lourd à digérer.