BRCA2

Taisez ce gêne que je ne saurais voir!

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« Ce n’est pas une bonne nouvelle »

C’est à peu près tout ce que j’ai retenu de mon entretien de résultat de dépistage génétique. Le reste est une liste de pourcentage de risques, de conseils en prévention, de choix à faire, les informations sont lourdes et indigestes.

L’entretien est lourd et solennel. Je suis ressortie de ce bureau, j’ai traversé ce long couloir avec un sentiment de culpabilité mais également avec le sentiment amer que ma vie ne serait plus pareille.

J’avais déjà vécu beaucoup de choses difficiles mais moi, qui m’était relevée en me disant que le cancer faisait partie intégrante de mon enfance, je devais dorénavant le conjuguer au présent voire au futur.

Le cancer fait partie de moi même, il est ancré dans un de mes gênes.

Paradoxalement, je n’ai pas souffert au moment de l’annonce. J’avoue que j’étais dans une ambiguïté profonde depuis l’annonce des résultats de ma sœur qui me condamnait à porter une culpabilité envers elle en cas de résultat négatif.

La réalité est tout autre aujourd’hui et si les résultats m’ont plongé dans une équivalence de pourcentage de risques, ils m’ont aussi plongé dans une vie de « mutante » aux yeux de l’institution médicale mais également aux yeux de toutes les autres institutions. On vous conseille d’ailleurs de ne pas le divulguer lorsqu’on vous communique des résultats positifs. Bon ben , pour ma part, c’est un peu raté, j’ai décidé d’y consacrer un blog!

Le culte du secret s’installe alors.

Vous sortez du centre de cancérologie, vous reprenez votre vie comme si de rien n’était à part que vous recevez une lettre de ce même centre à peu près toutes les semaines, que vous y êtes au moins une fois par mois pour le suivi et la prise en charge et qu’on vous transforme malgré vous, en « malade du cancer potentiel »

Dans les sciences de l’information et de la communication, ma section universitaire, le secret est un objet de recherche. On l’étudie, on le décortique, on observe ses répercussions et la manière dont il peut peser voire transparaitre dans certaines situations, Bref, le secret, c’est un sujet que je connais bien.

Je connais également les droits liés au secret notamment le devoir de confidentialité imposé sous le socle du fameux « secret médical »

J’ai reçu, il y a une semaine, par courrier, les résultats de mon IRM et de ma mammographie pré-opératoire. Habituée à recevoir, maintenant, des lettres du centre de cancérologie où je suis suivie, j’ai donc ouvert ces résultats sans appréhension aucune.

 

« Mme, veuillez recevoir vos résultats… »

Je passe  très vite au premier feuillet et balaye les résultats de manière quasi photographique

Deux phrases sautent à mes yeux ;

Patiente classée BRCA2

Jusque là tout va bien et un peu plus bas…

Tumeur 20mm sein gauche

Mes yeux se sont figés. Mon cœur aussi…le sol s’est dérobé sous mes pieds et une douleur est venue s’installer dans mes entrailles.

et je ne sais pas pourquoi, le premier réflexe que j’ai eu à été de me dire que ce n’était pas possible, que ce n’était pas moi..
Et quelle fut ma surprise, quand mes yeux ont décidé de quitter cette sentence, de voir en effet que ce n’était pas moi, mais les résultats d’une autre patiente.

Ils ont inversé. J’ai reçu les résultats d’une autre patiente.

Le culte du secret est brisé.

J’ai reçu depuis toutes sortes de mails et lettres d’excuses mais je ne cesse de me demander si cette patiente à reçu mes résultats (bénins, sans lésion suspecte) au lieu des siens car dans ce cas, le culte du secret doit être bien lourd à digérer.

 

 

 

 

Perso, mon petit truc en plus c’est ma petite case en moins!

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Ma petite case …c’est  une altération sur le gêne BRCA2!

Ce gêne, chargé de supprimer les tumeurs n’est pas le seul responsable des cancers héréditaires, il a aussi son grand frère BRCA1.

Les cancers héréditaires du cancer du sein ne sont pas courants et représentent actuellement 5% des femmes atteintes du cancer du sein. Nous sommes toutefois 32000 femmes aujourd’hui porteuses d’un de ces gênes nous condamnant à une prévention médicale rapprochée , anxiogène parfois, nous apprenant à gérer l’annonce éventuelle d’un cancer à chaque douleur ressentie dans les seins ou les ovaires, ce qui, dans mon cas, arrive à peu près tous les jours!

En bref, si j’écoute mon corps, je deviens folle!

Les gènes mutés BRCA peuvent être le cadeau d’un héritage paternel ou maternel, à la seule différence est que le cancer du sein chez l’homme est plus rare.

Et là , je dis Bingo, j’ai fait deux filles! Mes filles ont donc 50 % de risque d’avoir hérité de cette mutation mais elles ne peuvent pas faire le dépistage avant leur majorité, cette décision doit rester un droit de savoir et non une obligation.

Je me dis souvent qu’elles ont également 50 % de chance de ne pas l’avoir mais que le chemin de cette discussion que je vais un jour avoir avec elles, va être long…

Si vous souhaitez plus de renseignements sur ces mutations génétiques , vous pouvez consulter ce dossier qui à le mérite de traiter la question au fil des pages de manière complète et vulgarisée.

 

 

 

 

 

 

Le club des bombasses

Tout est une question de point de vue, tout est dans la manière d’appréhender les choses. J’en suis persuadée, je suis une adepte de la résilience.

L’angle de vue, le positionnement, l’empathie permettent souvent de trouver la solution. Alors devant tout problème, je décortique…

La chirurgie prophylactique est une opération qui peut paraître barbare voire incompréhensible pour certaines personnes. Elle m’a de suite était présentée comme mutilante. Pourtant la signification du terme prophylactique  « qui préserve la santé de tout ce qui pourrait lui être nuisible » connote davantage de manière positive. La vérité est que c’est une opération lourde, qui consiste à pratiquer une double mastectomie préventive afin d’éviter de déclarer le cancer. Une ablation de ma poitrine saine.

La plupart des femmes choisissent la prévention, la surveillance plutôt que cet acte chirurgical pourtant destiné à faire passer le risque de déclarer un cancer du sein de 87 % à 3%, le poids du sacrifice que cette opération représente est souvent trop lourd.

 – « Je vais me faire opérer, j’ai décidé, je leur ai dit »

– « C’est pas Angélina Jolie qui à fait ça ?. »

– « Si si, c’est le même gêne, la même opération »

 – « Hey ma chérie, tu vas rentrer dans le club des bombasses comme Angélina« 

– j’éclate de rire…

Alors qu’à cet instant même où je confiais ma décision d’une voix tremblante et fragile à mon fidèle supporter, mon acolyte masculin me classait dans le club des bombasses !

Je ne le remercierai jamais assez de ce contrepied, de cette vision qu’il m’offrait.

Je ne vais rien perdre, je vais gagner, renverser la vapeur, déjouer les statistiques, continuer à avancer, recommencer à me projeter et surtout préparer mon discours, mon histoire lorsque je devrais affronter le moment de confier ce lourd fardeau, cet éventuel héritage empoisonné à mes filles. Je veux être un exemple, une possibilité, un choix…

Et puis rentrer dans le club des bombasses à presque 40 ans, c’est pas si mal!