Je me réveille, je ne comprends pas trop ce qui se passe mais tout de suite la douleur arrive, le temps de reprendre mes esprits et la morphine fait effet, la première nuit passe. ça y est! c’est fait, j’ai subi ma double mastectomie.
Cette première nuit est difficile, chaque respiration est difficile, je sens une pression, comme un étau quelque chose de lourd sur ma poitrine, j’arrive à fermer les yeux et à m’apaiser, l’anesthésie fait encore effet. Mon sommeil est rythmé par le sourire de l’infirmière qui vient vérifier mes constantes toutes les deux heures…merveilleuse infirmière qui me rassure…
4h du matin…le fameux test du pipi…(ah j’ai dit… je vous parlerais de tout…j’ai trouvé ça drôle dans ce moment si difficile).
Il faut remettre en route mon corps, l’infirmière m’explique que pour que ça marche, je dois me convaincre :
« je dois faire pipi, je dois faire pipi, je dois faire pipi »
…alors en bonne patiente et devant le sourire de cette si gentille infirmière qui à l’air dix fois plus convaincue que moi…je répète, je me concentre, je répète, je me reconcentre, je répète à nouveau…
« Je dois faire pipi, je dois faire pipi, je dois faire pipi »
…bon ben ce qui est sûr c’est que l’auto-persuasion sur ma vessie, ça marche pas!
L’infirmière abdique et me dit…l’anesthésie doit encore faire effet! oui…ben oui!!!
J+1, 8 heures du matin, je peux déjeuner, youpi! je suis toujours shootée sous morphine mais j’avoue que ce jour là, j’ai eu une une montée d’adrénaline, une sorte d’euphorie dominant complétement la douleur, je l’ai fait, putain, je l’ai fait! je lui ai massacré la tronche à ce BRCA2!!! tu pourras toujours chercher …ahah…plus de glande mammaire, c’est fini, plus de mammographie, plus d’IRM, plus de scanner, plus d’angoisse, de peur, de mauvaise projection…je l’ai fait, j’ai renversé la vapeur, je pense à ma mère, à ma grand-mère, à mon oncle, à ma soeur…
Ma soeur qui s’effondrera en larmes ce jour là en rentrant dans la chambre d’hôpital…ma soeur…je te dois bien ça! Il ne m’aura pas ce fichu cancer, il ne nous aura pas!!!
J+2 ; j’ai toujours mal, cette pression…j’ai entrevu, je n’ai pas regardé, je n’ose pas regarder mais c’est plat, ça m’a l’air très plat…je ne comprends pas. On m’explique que j’ai des « expandeurs » (des sortes de prothèses mais gonflables, non gonflées pour l’instant) et non des prothèses, que le terme « reconstruction immédiate » veut dire garder l’étui, la peau, le mamelon, l’aréole, nickel…c’est mon cas.
L’opération est donc médicalement un succès mais dans ma tête, c’est plat, trop plat. Ce jour là, on m’enlève les pansements.
Pansements ôtés, je suis seule dans la chambre, je n’ai toujours pas regardé. Ma curiosité est plus forte, je me lève , je me dresse devant le miroir et j’ouvre ma chemise.
C’est sans doute, le moment le plus difficile, le plus violent. Je ne sais pas si je dois vous parler de l’impression faite. J’ai tremblé, de tout mon corps, je me suis effondrée en pleurs. j’ai dû m’asseoir. j’ai crié de douleur.
Je ne sais pas si je dois vous parler de ce torse déformé, malmené car à J+15, je n’ai pas du tout la même vision à part que c’est toujours plat!!
On projette un tas de choses quand on doit subir ce type d’opération, j’avais vu quelques photos d’amazones, de ces femmes guerrières si fortes…on projette un tas de chose mais jamais ce qu’on voit ce jour là en vrai.
Je réalise ce jour là, ce qui s’est passé corporellement , je ne parle pas de la victoire sur cette maudite mutation mais des traces sur mon corps. Je réalise ce jour là qu’on m’a enlevé mes seins, qu’ils ne sont plus, qu’ils ne seront jamais plus, tout au moins ceux que j’avais, ceux avec lesquels je suis devenue femme, ceux avec lesquels je suis devenue mère, ils ne sont plus.
J’ai beaucoup pleuré ce jour là, j’ai fait mon deuil, j’ai eu au peur aussi de la réaction de mon mari devant ce corps déformé, mutilé. J’ai eu très peur.
J+4 Je rentre à la maison! je suis très affaiblie mais je rentre car tout va bien sur le plan chirurgical. Je n’arrive pas à me regarder, je n’arrive pas à toucher. Mon mari m’aide et prend le relais des soins. La vue est difficile. Les premiers jours , j’ai caché les miroirs, c’était trop dur. J’avais beaucoup de douleurs et cette pression qui semble m’étouffer parfois.
Quelques jours ont passé et ma fille, mon ainée de 8 ans m’a dit cette petite phrase magique :
« Maman, tu sais, je m’en fiche, que t’as plus de totottes, c’est pas grave, t’es toujours aussi formidable, le reste c’est pas important »
Cette petite phrase, cette pépite m’a fait passé de l’autre côté. Petit à petit, je me suis regardée, j’ai accepté. Je suis pareille, rien n’a changé, je suis la même.
Par contre je suis toujours plate 😉 tour de poitrine : 12 ans et demi…on m’a toujours dit que la chirurgie esthétique rajeunissait mais là je dois avouer…ils n’ont pas lésiné!
j’ai eu comme réflexe d’aller me chercher des prothèses, des soutiens gorge rembourrés… ne supportant pas cette « platitude » et puis…là aussi, j’ai accepté, c’est mon histoire, mon combat, je suis plutôt fière de ça, fière de ce corps qui guérit vite!
J+15 je vais bien, je suis fatiguée. Fatiguée par les antidouleurs, douleurs qui se sont amoindries , Dieu Merci! je fais à peu près tout, tous les gestes mais je ressens à quel point nous utilisons pour tout ce fameux muscle pectoral! j’ai beaucoup de mal à conduire, la gestuelle nécessaire est trop douloureuse…et je suis toujours plate! (ça repousse pas!! 😉 )
Je me regarde dans le miroir chaque jour et j’imagine ma reconstruction, mes futurs seins, ma nouvelle vie.
C’est douloureux, c’est vrai, mais les douleurs finissent par passer.
Je suis heureuse de l’avoir fait, je me sens soulagée!
Maman…j’ai réussi, je l’ai fait, j’ai gagné! ❤
Bravo, mille fois bravo ! C est dur, c est vrai, c est une chose de se projeter…..c en est une autre quand on se retrouve face au miroir, face à soi même. ….même si on se dit l aspects physique c est secondaire, à un moment, ça nous rattrape, parce que son corps il faut faire avec tous les jours, les vêtements, sa silhouette. …..le 22 septembre cela fera un an pour moi…..je viens de racheter des soutiens gorge « normaux » , jusque là j ai fait avec soutifs post op…. ( pour ma part complications donc on est allés tout doucement) ……Soutien gorges rembourrés, mes seins ne remplissent pas tout…..mais je me ressens femme…..et habillée…..ça m enlève cette impression d avoir plus de ventre que de seins 😀….tu parles de declics….oui petit déclic après petit déclic, les choses s enclenchent, prennent leur place……encore bravo à toi ! Si tu as envie de parler, n hesites pas !
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Merci Léa!! Merci pour ton mot! et bravo à toi aussi…moi je n’ose pas penser à mes futurs soutien-gorge…;-) je suis heureuse que ça avance bien pour toi! vraiment!! Boobs Mutante Power!!! avec toute mon amitié! Encore Merci…
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Bonsoir, quand je vous lis je me lis… tu as decrit dans ton article tout ce que j’ai ressenti et aussi vécu! j’ai subi en mars 2015 la double masmectomie prophylactique avec reconstruction immédiate par expendeurs puis en septembre : les prothèses définitives… oui notre bel aimé nous aide beaucoup ainsi que les enfants… sans lui je n’aurais pas autant avancé psychologiquement sans eux et leur joie de vivre : je n’en serais pas là non plus… Tes étoiles la haut peuvent etre fin fieres de toi!!! bravo! merci pour ce blog que je vais faire lire a mon entourage afin qu’ils me comprennent encore mieux!!!
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Merci pour ce message si touchant! j’espère que tu vas bien après tout ce chemin parcouru! Merci encore ❤
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